" Alors, qu 'est-ce qu 'on fait ? Dites-moi, moi, je ne vois pas ! "

Georges Henry interroge les élus attablés au café de Biffontaine. Dans leur regard se voit encore la lueur de ce qu'une conseillère appelle simplement " la catastrophe". Le maire a voulu emmener, dès que possible, son équipe sur le terrain, afin qu'elle se pénètre de la réalité du sinistre.


L'ONF a bien travaillé, " en prenant des risques ", et a dégagé le chemin qui mène au monument érigé à la mémoire du 100e bataillon d'infanterie hawaïen: 6.000 soldats américains tués entre Vervezelle et la Houssière, 400 survivants sur les 1.200 partis à la conquête des 300 derniers mètres . . . Georges Henry a vu ces moments, le tas " haut d'un mètre" de chairs et de pansements de l'infirmerie de campagne, les trous où les hommes terrorisés dormaient accroupis. " Le jour du 50e anniversaire, un rescapé m'a montré le trou où son frère a été tué, à son côté. "

Tout ça, c'est des histoires de guerre, mais à sa manière, la guerre vit toujours à Biffontaine. Elle a inscrit ses stigmates dans de superbes arbres, des pins sylvestres plus que centenaires, qui pourraient faire de beaux meubles et de la charpente n'étaient les balles et surtout les éclats.
En temps normal, ce bois mitraillé souffre d'une très forte décote : il s'écoule 75 F à 125F le m3 au lieu de 250 à 350 F, mais il rapporte quand même bon an mal an 120.000 F à la commune de 401 habitants.
Depuis le 26 décembre, le sort a une nouvelle fois frappé ce village excentré, ses espoirs d 'investissement, ses efforts pour le tourisme, la rénovation de l'habitat.

Toute une forêt à la trappe.

La tempête a ravagé les peuplements de la Beuille, situés à l'ouest, s'acharnant sur les têtes, le bas et le haut des crêtes. Le résultat est apocalyptique: les arbres sont tombés sans tous les sens; ils se sont vrillés, défibrés, éclatés.

Sous leur panache épais, ils ont enseveli les jeunes peuplements. Le verdict de l'ONF est tombé, impitoyable: les zones mitraillées ne seront pas exploitées. 15.000 m3 - peut-être 20.000 - d'arbres d'un coup à la trappe ! Le jugement des scieurs est sans appel lui aussi :
" Quand j'ai dit à un marchand de bois que ma forêt était celle de Biffontaine, il a raccroché ", témoignage Georges Henry : " Ce n'est tout de même pas de notre faute si la commune a été mitraillée! "

En d'autres temps, cela aurait même valu une reconnaissance spéciale de la Nation, celle due à toute collectivité particulièrement sinistrée.
Aujourd'hui, Biffontaine se retrouve obligée de laisser pourrir sur place ses peuplements, s'interdisant de procéder à la régénération qui serait synonyme d'espérance en l'avenir.
Pas de doute, le devoir de solidarité s'impose ici plus que nulle part ailleurs.

Article de Jean-Paul VANNSON, l'Est Républicain du 17 janvier 2000.

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